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Yohann L.

Hors-série #5 : Les remises de récompenses dans le jeu vidéo

Si on considère le jeu vidéo comme le huitième art, il fallait bien féliciter ses plus fidèles représentants, voire même organiser une cérémonie annuelle pour récompenser ses œuvres et ses personnalités les plus marquantes, non ? Le jeu vidéo ayant tardé à être bien considéré par le public, ce phénomène est relativement récent si on le compare notamment à ce qui se fait déjà depuis de nombreuses années dans le cinéma. Mais on remarque depuis plusieurs années une multiplication certaine de ces évènements ces dernières années.

On vous propose ici un petit tour d’horizon de quelques-unes des cérémonies de récompenses organisées au fil des années pour le jeu vidéo.


Vous voulez une médaille ?


Il faut remonter dans les années 80 pour trouver les premières traces de récompenses décernées pour les jeux vidéo et d’une cérémonie qui va avec.

C’est en effet le magazine Electronics Games qui propose les Arcade Awards en 1980 avec les catégories suivantes :


  • Game of the Year

  • Best Pong Variant (le meilleur Pong-like)

  • Best Sports Game

  • Best Target Game (meilleur jeu de visée)

  • Best S.F. Game

  • Best Solitaire Game (meilleur jeu solo)

  • Most Innovative Game

  • Best Audio and Visual Effects


C’est Space Invaders qui rafle la récompense du jeu de l’année pour cette édition.

Le magazine Electronics Games mettant à l'honneur son GOTY 1980


L’édition 1981 ajoute une section consacrée à l’arcade, puis une autre consacrée aux consoles pour l’édition suivante. Huit éditions seront organisées au total, avec une pause entre 1985 et 1992. L’édition 1993 sera la dernière organisée par le magazine, où c’est Street Fighter II Turbo et Mortal Kombat qui s’imposent comme jeux de l’année sur Arcade. Pour les consoles, c’est Disney's Aladdin et Sonic Spinball qui s’imposent sur Megadrive tandis que SNES: Bubsy Bobcat et Rock & Roll Racing sont les lauréats sur Super Nintendo.


En parallèle, la Grande-Bretagne organise en 1983 la première édition des Golden Joystick Award. Se focalisant d’abord sur le jeu vidéo PC, la cérémonie s’étend aux consoles à partir de la fin des années 80. Les Golden Joystick est encore tenue de nos jours, l’édition 2020 s’étant tenue le 24 novembre dernier et ayant récompensé The Last of Us . Ce qui en fait la plus ancienne cérémonie de remise de récompenses dans le jeu vidéo, avec 38 éditions.


La Video Software Dealers Association, une association de défense des intérêts des magasins de vente au détail de vidéos, s’est essayée à l’exercice en 1983 avec les VSDA Awards dont la première édition a récompensé Pac-Man. Après une pause de onze ans, une nouvelle édition est tenue en 1994, jusqu’à un dernier événement organisé en 2001.


La France n’est pas en reste, puisque le magazine Tilt lance en 1983 les Tilt d’or. Pour autant, c’est l’année suivante que le magazine décernera de véritables récompenses par catégorie, là où il ne faisait que faire des listes l’année passée. Cependant, Tilt se refusera à récompenser un jeu de l’année, préférant récompenser un jeu dans chacune des catégories choisies. Les Tilt d’Or durent jusqu’en 1993, avant que le magazine Tilt n’arrête définitivement d’être publié en 1994.




Pas sûr que cette disquette entrait dans votre PC !



Les années 90 : Quand Sony fait sa contre-soirée


L’engouement pour ces remises de prix est grandissant, et d’autres acteurs de la presse spécialisée se lancent dans ce projet. On peut notamment citer Famitsu qui récompense Dragon Quest IV comme jeu de l’année en 1990, Game Informer qui choisit Street Fighter II en 1992 ou encore le site Eurogamer qui remet cette palme en 1999 à Unreal Tournament.


Alors que jusqu’ici on récompensait les jeux sans distinction quant aux consoles ou aux développeurs, Sony ne fait rien comme tout le monde et décide de créer les Playstation Awards en 1995, où seront uniquement récompensés les jeux Playstations sortis durant l’année. Le critère choisi pour récompenser les jeux se fait en fonction des ventes réalisées. Pour cette première édition, ce sont Battle Arena Toshinden, Ridge Racer et Tekken qui sont les lauréats du prix Gold pour avoir franchi le cap des 500 000 ventes. Viendront dans les éditions suivantes les prix Platinum, Double Platinum, Triple Platinum et même Quadruple Platinum (!) pour récompenser les jeux ayant respectivement franchi la barre des 1 million, 2 millions, 3 millions et 4 millions de ventes. La cérémonie est toujours organisée de nos jours, et Sony profite de ces soirées pour faire un peu de teasing sur les prochains jeux à sortir sur ses consoles.

Avez-vous reconnu les jeux dans lesquels apparaissent ces mascottes ?


La décennie des années 90 est décidément synonyme d’un gain d’intérêt pour les acteurs de l'industrie du jeu vidéo pour récompenser leurs productions. L’E3 lance en 1998 les Game Critics Awards, pour que les médias présents sur le salon puissent récompenser les meilleurs jeux qui y ont été présentés. Freelancer sur PC sera le premier jeu à être élu meilleur jeu du salon par le jury. A noter que dans quatre éditions de cette cérémonie, cette récompense ne fut pas décernée à un jeu, mais à une console : la Gamecube en 2001, la Playstation Portable en 2004, la Wii en 2006 et la Nintendo 3DS en 2010.


Dans le pays du Soleil Levant, c’est le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (rien que ça !) qui décide de lancer les Japan Game Awards en 1996, dont l’unique lauréat de cette première édition est Sakura Wars. Après avoir récompensé exclusivement des jeux japonais, les Japan Game Awards ouvrent leurs critères de sélection en choisissant de nommer dès 2011 des jeux non-japonais. La cérémonie réserve cependant une grande majorité de ses nominations aux jeux japonais.


L’année 1998 marque aussi l'ouverture de la British Academy of Film and Television Arts au jeu vidéo. Jusqu’ici connue pour ses British Academy Film Awards, l’académie britannique va lancer les BAFTA Interactive Entertainment Awards, nommés par la suite British Academy Games Awards. Le premier jeu de l’année récompensé par cette cérémonie n’est nul autre que 007 : Goldeneye sur Nintendo 64. Un premier choix logique quand on connaît la nationalité de ce bon vieux James Bond !


Le visage doré le plus célèbre de l'industrie culturelle britannique !



Récompenser les jeux mais aussi les gens


Donner une récompense aux jeux, c’est bien. Mais pourquoi ne pas donner de reconnaissance aux personnes qui le font ?


Ce constat était sûrement celui de l’Academy of Interactive Arts and Sciences quand elle a décidé de créer en 1998 son Hall of Fame du jeu vidéo. Le premier à recevoir cet honneur n’est nul autre que Shigeru Miyamoto, le game designer légendaire derrière Mario et Zelda. Les femmes sont également à l’honneur avec l’intronisation en 2019 de Bonnie Ross (créatrice de l’entreprise 343 Industries) et de Connie Booth en 2020 (vice-présidente de la section Développement Produit chez Sony Interactive Entertainement). Mais l’Academy of Interactive Arts and Sciences crée la même année sa propre cérémonie de remise de prix avec les Interactive Achievement Awards, connus depuis 2013 sous le nom de D.I.C.E Awards. Le premier jeu de l’année élu par cette cérémonie est 007 : Goldeneye, qui vit décidément une belle année !


Les Game Developers Choice Awards sont lancés en 2001 par l’International Game Developers Association à l’occasion de la Game Developers Conference, toujours dans l’idée de donner plus de reconnaissance aux hommes et femmes derrière la création des jeux. Sont ainsi nommés des professionnels ou même des équipes entières de programmation dans certaines catégories. Des récompenses de "pionnier" ou sur “l'œuvre de toute une vie” viennent également récompenser des hommes et des femmes à titre individuel.


Toujours en 2001, la National Academy of Video Game Trade Reviewers (NAVGTR), dont la vocation est la reconnaissance des acteurs du divertissement interactif, organise la première édition de ses NAVGTR Awards. Si on retrouve ici des catégories communes à d’autres cérémonies citées plus hauts, la NAVGTR propose également de récompenser des doubleurs prêtant leurs voix à des personnages de jeu vidéo.



Shigeru Miyamoto, premier Hall Famer du jeu vidéo


Des récompenses dans tous les sens


Les décennies 2000 et 2010 ne sont pas avares en ce qui concerne les remises de prix pour le jeu vidéo.


En 2003 sont lancés les Spike Video Games Awards, organisés par la chaîne de télévision américaine Spike et rassemblant des journalistes pour élire les meilleurs jeux de l’année selon différentes catégories. Le premier à recevoir le prix du jeu de l’année n’est nul autre que… Madden NFL 2004, devant des jeux tels que Grand Theft Auto : Vice City ou The Legend of Zelda : Wind Waker. Plusieurs célébrités américaines de l’époque étaient au rendez-vous pour faire leur show, et même des catcheurs de la WWE étaient présents pour un match de catch ! La chaîne de télévision abandonnera ensuite le concept en 2013, laissant la place à ce que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Game Awards, et qui deviendra la cérémonie de remise de prix la plus notoire dans le domaine vidéoludique. La prochaine édition se tiendra le 10 décembre 2020.



Le Graal vidéoludique du 21ème siècle

Le jeu sur téléphone mobile aura lui aussi le droit à sa cérémonie de remise de prix avec la première édition de l’International Mobile Gaming Awards en 2004, dont la soirée se déroule pour chaque édition dans une ville différente en Asie ou aux Etats-Unis. Mais c’est à Monte-Carlo que s’est déroulé cette première édition, sous l’impulsion de Maarten Noyons, fondateur de l’entreprise NCC Partners basée à Marseille.


Quelques années après avoir organisé son propre salon de jeux vidéos, le Micromania Games Show, l’entreprise éponyme décide d’y organiser les Micromania Games Awards en 2006. L’expérience ne durera pas longtemps, puisque cette remise de prix s’arrête en 2009. Quant au salon en lui-même, sa dernière édition sera organisée en 2015.


Toujours en France, le Festival du jeu vidéo lance en 2007 les Milthon du jeu vidéo dans l’objectif de récompenser les meilleurs jeux européens. Le jury de cette première édition est exclusivement composé de professionnels, avec un certain Frédérick Raynal désigné comme président. Le jeu européen de l’année récompensé par ce jury est eXperience 112, un jeu d’aventure sorti sur PC. La cérémonie est organisée jusqu’en 2010, année où le Festival du jeu vidéo fusionne avec la Paris Games Week et où les Milthon du jeu vidéo sont remplacés par les Trophées de la Paris Games Week puis les Ping Awards.

Le Stunfest, festival vidéoludique rennais notamment réputé pour ses tournois sur des jeux de combats, propose également de remettre des prix pour les jeux qui sont présentés durant le festival. En 2019, c’est Scourge Bringer qui reçoit la récompense du meilleur jeu présenté lors de cette édition du festival rennais.


On reste en Europe, mais bien plus à l’est avec la création des Czech Game of the Year Awards (ou Česká hra roku en Tchèque) en 2010 dans le cadre du Gameday Festival qui se tient à Třeboň, avant de devenir un événement entièrement indépendant en 2017.

La cérémonie fait la part belle aux jeux et aux professionnels ayant un lien avec la République Tchèque. C’est ainsi 2K Czech qui est récompensé pour Mafia II lors de cette première édition.


Chez nos voisins espagnols, on organise à Bilbao depuis 2011 le Fun and Serious Game Festival, qui organise lui-aussi sa propre remise de prix. Il n’est toutefois pas question ici de se focaliser sur le jeu espagnol, puisque cette première édition décide de récompenser un jeu de l’année européen (Battlefield 3) et un jeu de l’année non-européen (Uncharted 3: La trahison de Drake). Mais ce sera l’unique fois où cette distinction sera faite, puisqu’un seul jeu de l’année sera récompensé par la suite. Des récompenses sont également remises à des professionnels et artistes du monde vidéoludique, comme Yoko Shimomura (la compositrice des OST notamment de Street Fighter II, Kingdom Hearts, etc…) en 2019.


Retour outre-Atlantique pour parler des SXSW Gaming Awards, lancés en 2014 au sein du South by Southwest Festival se tenant à Austin au Texas. Ce festival n’est pas uniquement consacré au jeu vidéo, mais comporte une “Gaming Expo” où se tient notamment cette cérémonie, en plus de remises de prix pour le jeu mobile et les jeux de société. The Last of Us est le premier à être élu jeu de l’année par cette cérémonie.


Terminons ce tour d’horizon dans nos contrées pour évoquer le lancement des Pégases d’Or en juin 2019 lors d’une conférence de presse du Syndicat National du Jeu Vidéo, dont l’ambition est d’organiser une cérémonie sur le modèle de ce que font les Césars pour le cinéma. C’est ici l’Académie des arts et techniques du jeu vidéo qui vote pour les jeux nommés parmi 18 catégories. La première édition s’est tenue en mars 2020 et a récompensé A Plague Tale: Innocence comme meilleur jeu de l’année, en plus de cinq autres récompenses dans d’autres catégories. Durant cette soirée, Yves Guillemot (dirigeant de Ubisoft) a reçu un prix d’honneur et Jehanne Rousseau (directrice du studio de développement Spiders) a reçu un prix de personnalité de l’année.



On espère que les pégases prendront vite leur envol !


Que penser de cette armoire à trophées vidéoludiques ?


L'émergence de multiples cérémonies de remises de prix dans le jeu vidéo aide certainement ce dernier à gagner ses lettres de noblesse auprès du grand public, ce qui n’est pas un luxe quand on connaît la réputation parfois négative du jeu vidéo. De plus, la remise de récompenses peut être pour certains un guide pour acheter (ou non) certains jeux qui sont reconnus de façon quasi-unanime par les joueurs et les professionnels.


Cependant, il faut aussi relever le très grand nombre de cérémonies, à tel point qu’il est difficile d’être exhaustif dans cet article. Outre le fait qu’on peut vite se retrouver perdu devant une telle multitude de cérémonies, cette situation peut amener à se demander si elles valent toutes : sur quels critères donnerait-on une plus forte valeur à une récompense d’une cérémonie en particulier plutôt qu’à une autre ?


D’autant plus qu’à l’instar d’autres industries culturelles, il est logique de remettre en question la légitimité de certaines cérémonies qui seraient organisées non pas dans le but de récompenser le jeu vidéo en tant qu'œuvre, mais de promouvoir les jeux de certains éditeurs. Surtout que la remise de plusieurs récompenses est bien pratique pour s’assurer du succès de la campagne marketing d’un jeu, au même titre que des notes positives dans la presse spécialisée.


Un effort de rationalisation de ces cérémonies serait peut-être le bienvenu, afin d’y voir plus clair. Mais ce sera peut-être le public qui va trancher en décidant d’accorder plus de crédit à certaines cérémonies et moins à d’autres.


Mais finalement, est-ce que l’important n’est pas de juger les jeux vidéos selon ses propres critères ?


Et voici pour vous, cher lecteur ou lectrice, pour vous remercier d'avoir lu cet article !

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