L’abandonware, keskecé ?
A une époque où le recours au dématérialisé se fait de plus en plus fréquent pour acquérir et jouer à nos jeux favoris, se pose la question légitime de la conservation de certains jeux. Il en existe qui n’ont plus vocation à être diffusés au grand public par ceux qui sont titulaires des droits sur ces derniers, pour de multiples raisons. C’est en réaction à cette problématique qu'est venu l'engouement autour de ce que l’on nomme "abandonware".
La notion d’abandonware est un néologisme créé à la fin des années 90 et se forme d’un amalgame entre les mots “abandon” et “ware”. Le premier désigne effectivement l’idée d’abandon et le second est le mot usé en anglais pour désigner les logiciels.
Généralement les abondonware sont définis comme des logiciels, parmi lesquels on y range les jeux vidéo, qui ne sont plus commercialisés (hors marché de l’occasion) ni mis à jour par leurs développeurs et éditeurs. Ce critère n’est pas fixé par la loi mais surtout un classement arbitraire de certains sites qui proposent la diffusion de ces logiciels le plus souvent gratuitement.
Ainsi, il y a des situations dans lesquelles la pratique de l’abandonware n’est pas considérée comme légale sous l’angle du droit de la propriété intellectuelle.
Afin d’être autorisé à diffuser un abandonware, le principe légal reste celui de l’autorisation de la personne ou de l’entreprise qui est titulaire des droits sur le jeu vidéo. Le plus souvent, ces droits sont entre les mains d’un éditeur, même s’il est possible qu’une personne physique détient ces droits. Ainsi, sans leur aval, il est a priori interdit de diffuser ces œuvres. Cependant, ce mécanisme légal n’est pas sans poser certains problèmes.
Il se peut en effet que les ayants-droit soient injoignables voire introuvables malgré des recherches faites en ce sens, et qu’il soit donc impossible de solliciter leur autorisation. Ainsi, attendre leur accord pour diffuser auprès du public le jeu vidéo susceptible d’être un abandonware devient difficile voire impossible. S’il existe un mécanisme légal en France pour permettre la diffusion de ce qui est appelé ainsi des "œuvres orphelines", il est limité à certaines catégories d'œuvres mises à dispositions du public conservées dans les collections de certaines institutions comme les musées ou les services d’archives.
Si les éditeurs ou les ayants-droits sont joignables, ils peuvent également interdire la diffusion alors qu’ils ne commercialisent plus le jeu à l’heure actuelle par le biais des plateformes légales (ce que l’on nomme “œuvres indisponibles”) empêchant ainsi potentiellement au public de pouvoir accéder à l'œuvre, et donc ici pouvoir jouer au jeu vidéo.
Pour donner un exemple concret, prenons celui d’Astérix : Maxi-Délirium proposé sur le site abandonware-france. Sorti en 2001 sur PC et Playstation, ce clone gaulois de Mario Party n’est effectivement plus proposé à la vente, cependant les ayant-droits sur la licence Astérix sont à l’évidence joignables et identifiables. Tout comme l’éditeur du jeu qui n’est pas non plus inconnu puisqu’il s’agissait à l’époque d’Infogrammes, entre-temps devenu Atari.
Au-delà de l’aspect juridique se pose aussi un problème technique. Certains de ces abandonwares deviennent très anciens, à tel point que leur installation et leur fonctionnement peuvent poser quelques problèmes avec les technologies actuelles. Si l’usage de patchs et l’émulation peut pallier en partie à ces difficultés, cela n’est pas une garantie que l’abandonware fonctionnera dans les mêmes conditions qu’à l’époque.
Les abandonware posent ainsi une réelle question concernant la conservation du patrimoine vidéoludique. Si les ayant-droits n’agissent pas ou ne coopèrent pas en raison de leur probable disparition ou de leur opposition, il est probable que certains jeux soient voués à disparaître, voire même que certains ont même disparu à l’heure actuelle. Si on doit considérer le jeu vidéo comme un art à part entière, la question de sa conservation doit se poser, au même titre que les tableaux ou les sculptures. Et dans cet effort de conservation du patrimoine vidéoludique, la situation des abandonwares pose une véritable problématique qui mérite d’être résolue.
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