Ce n’est pas tous les jours qu’un jeu vidéo représente l’occasion d’incarner un douanier en charge du contrôle de l'immigration de son pays. Et pourtant, c'est le concept imaginé par le développeur indépendant Lucas Pope avec Papers, Please, ce qui lui a valu l'attribution de nombreuses récompenses au Bafta Games Awards de 2014 et à l'Independant Games Festival de la même année.
Un tel jeu mérite-t-il autant de récompenses ? Ou doit-il être reconduit à la frontière du pays des réussites vidéoludiques ? Préparez vos passeports et visas, nous allons en Arstotzka !
Gloire à Arstotzka.
Une fois votre partie lancée, une cinématique en images fixes vous présente l'histoire du jeu. Le scénario du jeu tient donc place en 1982 au sein d'Arstotzka. Cette nation semble gouvernée par un régime totalitaire aux forts accents communistes / soviétiques, mais décide pour la première fois de son histoire d'ouvrir ses frontières aux pays frontaliers et au-delà. En tant que citoyen d’Arstotzka, vous recevez une lettre à l'occasion de la grande loterie du travail en octobre. Cette dernière vous a gratifié d’un poste de douanier au poste frontalier de Grestin Ouest, avec en prime un appartement pour vous et votre famille. Et c'est ainsi que démarrent vos péripéties en tant que douanier pour la patrie d'Arstotzka.
L'introduction met d'emblée le ton, puisque vous voilà catapulté du jour au lendemain dans un poste de douanier, qui à première vue ne paie pas de mine. Mais vous allez vite comprendre que vous serez un spectateur privilégié du destin d'Arstotzka, voire même un acteur direct vu les conséquences qu'auront parfois vos décisions sur le déroulement du jeu. La principale preuve sont les différentes fins que propose le jeu : ni plus ni moins de 20 fins différentes, ce qui vous laisse imaginer la multitude et la complexité des choix parfois cornéliens que vous aurez à accomplir. De plus, de nombreux évènements scriptés ou non viendront rythmer votre progression : attaque terroriste, montée du marché noir, venue de criminels notoires, et j'en passe ! Vous en verrez ainsi de toutes les couleurs en Arstotzka et avec les ressortissants des pays se situant dans ses alentours. Chaque partie se révèle ainsi haletante et dévoile son intérêt au fur et à mesure de votre progression.
Le début d'une grande carrière de douanier ?
Ambiance minimaliste en terre totalitaire
En ce qui concerne les graphismes, ces derniers sont plutôt corrects pour un jeu indépendant en ce qui concerne la technique, même si le plus souvent vous serez confronté à des images fixes et des personnages tout en pixels, avant que ces derniers entrent dans votre cabine. On a donc assez peu de détails au niveau des personnages et des décors. Les animations font d’ailleurs le travail, sans pour autant que l’on soit subjugué par le résultat. Mais question direction artistique, le choix des couleurs volontairement ternes collent vraiment bien à l'univers sombre et froid du jeu. Cette impression se renforce avec les visages des différents immigrants ou autres personnages du jeu, qui paraissent presque marqués par les différentes épreuves physiques et morales auxquelles ils ont pu être confrontés. Si le jeu ne marque pas vraiment pour sa technique, il est en revanche bien plus remarquable pour ses choix esthétiques qui sont parfaitement en adéquation avec l'ambiance générale du soft.
Pour ce qui est de la bande-son, on fait également dans le minimaliste. Il n'y a qu'un seul thème musical et les bruitages sont assez répétitifs hormis quelques cas, de ce fait la bande-son peut pêcher par son manque de variété. Pour autant en ce qui concerne la seule musique du jeu, elle reste assez marquante pour nous faire oublier ce manque de variété, puisqu'en effet elle sert là aussi idéalement l'ambiance résolument inspirée des régimes totalitaires d'avant-guerre avec ses sonorités imposantes et frappantes, presque comme si elle constituait l'hymne d'Arstoztka.
Le titre ne marque pas vraiment pour sa technique graphique et sonore qui reste correcte, mais plus par l'ambiance que ces deux aspects procurent à Papers, Please. Preuve en est qu’il n'est pas toujours nécessaire d'avoir des graphismes transcendants et hyper soignés pour créer une ambiance digne de ce nom.
Votre nouveau quotidien !
Et la famille, le boulot, ça va en Arstotzka ?
Vous l'aurez donc compris, il s'agira dans ce jeu de vous occuper de vérifier les passeports des différents immigrants afin de déterminer si leurs papiers sont valides ou non pour entrer en Arstotzka. Au début de chaque journée, un communiqué vous indiquera les directives à suivre qui vous et à quelles conditions les migrants pourront rentrer. Ces directives se complexifient de plus en plus au fur et à mesure de votre partie, mais vous aurez davantage de moyens pour repérer les migrants qui ne sont pas en règle. Ainsi, vous pourrez au bout d'un certain temps de jeu de temps vérifier leurs empreintes digitales, leur faire passer des radios afin de voir s'ils ne dissimulent pas de la contrebande, et même faire enfermer certains d’entre eux s’ils représentent une menace avérée (ou non) pour Arstotzka !
Vous devez donc vérifier la validité des papiers d’identité que vous confient les migrants. Et c'est là que se situe le cœur du gameplay : vous disposez de plusieurs documents et outils pour mener à bien votre tâche et repérer des erreurs ou incohérences sur les documents du migrant. Pour vous aider à les repérer, vous pouvez cliquer sur le bouton en bas à droite pour comparer deux données (par exemple, la ville indiquée sur le passeport et la liste officielle des villes du pays d'où vient le migrant) et vérifier si la corrélation entre les deux informations est correcte. Si ce n'est pas le cas, le devoir vous impose de renvoyer le migrant d'où il est venu. D'ailleurs à chaque erreur, un communiqué de votre supérieur hiérarchique vous indiquera quelle est l'erreur que vous avez commise et viendra vous prévenir. Les deux premiers avertissements seront classés sans suite, mais à partir du troisième vous perdrez 5 $ à chaque erreur commise, tout en sachant que chaque migrant que vous ferez passer de l'autre côté de la frontière vous fera gagner 5 $. A vous donc de faire les bons choix pour gagner le maximum d'argent possible, tout en sachant que d'autres opportunités vous permettront d'en gagner bien plus.
Un simple coup de tampon qui peut changer bien des destinées...
A la fin de votre journée, un écran vous indique un certain nombre d’informations. A savoir vos économies, le salaire gagné aujourd'hui, les éventuelles retenues sur salaire effectuées à cause de vos erreurs, les dépenses nécessaires à l'entretien de votre famille et éventuellement des upgrades pouvant vous faire gagner du temps dans vos tâches administratives. L'argent collecté servira donc à approvisionner votre famille en nourriture, en chauffage, en médicaments et même pour offrir un meilleur foyer à vous et votre famille. D'où l'importance de faire les bons choix lors de votre travail, puisqu'il peut arriver que vous n'ayez pas assez d'argent pour couvrir tous les besoins de votre famille, en sachant que la mort de tous les membres de votre famille vous mènera au Game over.
Ainsi, le gameplay est bien plus complexe qu'il n'y paraît et vous demandera d'être réellement attentif afin de mener vos objectifs à bien. On pourra cependant lui reprocher une certaine répétitivité qui risque d'ennuyer les moins patients d'entre vous. Les tâches proposées par le jeu ne changent pas radicalement d'un jour à l'autre, même si les situations auxquelles vous serez confrontés savent quand même se renouveler. De plus, l'interface est assez lourde à appréhender du fait de la multitude de documents avec lesquels vous devrez jongler pour repérer les fraudeurs et qui s'accumulent jusqu'à ne plus y voir grand chose et d'être vite perdu si on est pas très organisés. Mais une fois le coup de main pris, on arrive à s’y retrouver dans la paperasse accumulée au fur et à mesure de vos journées de travail.
Un domicile dans un état bien précaire
Un travail sans fin ?
Vous avez le choix entre deux modes de jeu : un mode Story où vous suivrez pendant quelques jours l'histoire de vous et votre famille en même temps que celle d'Artotzka. Le mode Endless (qui est à débloquer) vous propose quant à lui de contrôler un flux sans fin de migrants en Artotzka. Ce mode vous propose 3 sous-modes : un mode « Time » où vous devez faire entrer le maximum de migrants en règle pendant 10 minutes, un mode « Perfection » où votre partie s'arrête si vous faites entrer une seule et unique personne dont les papiers ne sont pas en règle, et enfin un mode « Endurance » où vous devez tenir le plus longtemps possible en évitant les pénalités reçues pour avoir laissé entrer un migrant qui n'était pas en règle.
Autant dire qu'une fois le mode Story fini, il y a encore de quoi faire ! Et c'est justement cette rejouabilité qui est plaisante dans ce jeu, puisque même si le mode Story se finit assez vite (comptez entre une et deux heures de jeu) vous aurez peut-être à cœur d'obtenir la meilleure fin possible, et le mode Endless vous donnera encore de quoi prolonger votre expérience de jeu. Par conséquent, finir le mode Story une seule fois ne sera pas suffisant pour pouvoir faire un tour complet du jeu.
Conclusion
Sous ses airs simplistes, Papers, Please se révèle en fait être une grande réussite du jeu indépendant. Son scénario aux multiples embranchements se révèle intriguant, d’autant plus que votre façon de jouer et votre sens de la morale peuvent influer directement sur le déroulement de jeu. Le gameplay peut se révéler assez lourd et répétitif malgré la certaine variété de situations rencontrées dans le jeu, et la direction artistique sont d'autant de points qui peuvent rebuter certains joueurs. Mais il s'agit d'autant de points qui donnent une atmosphère si particulière au jeu. Si vous passez outre cela, vous découvrirez un jeu prenant qui vaut vraiment le détour. Longue vie à Arstotzka et à Papers, Please !
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