L’univers du droit et de la justice a toujours stimulé l'imagination collective. Que ce soit notamment au travers des séries télévisées et des films, dont la qualité varie d'une œuvre à l'autre. En revanche, le jeu vidéo ne s'y est pas intéressé davantage, contrairement aux autres médias cités précédemment.
Face à ce constat, Phoenix Wright : Ace Attorney (ou Gyakuten Saiban : Yomigaeru Gyakuten au Japon) apporte sa propre conception de la profession d'avocat. Sorti en 2001 sur Gameboy Advance, le jeu n'a pas été distribué en Occident sur ce support. Mais le public européen a pu au moins profiter de cette version DS, sortie 5 ans plus tard dans nos contrées.
Le jeu s’en tirera-t-il avec les honneurs ? Ou sera-t-il reconnu coupable du crime de création vidéoludique affligeante ? La cour va maintenant rendre son verdict !
J'appelle à la barre... Phoenix Wright !
Après vous avoir fait assister à une scène de meurtre, le jeu vous propose d'incarner le jeune avocat Phoenix Wright à l’occasion de son tout premier procès, accompagné de son mentor Mia Fey, une avocate de la défense très réputée dans le milieu. Il doit défendre et innocenter Paul Défès, l'accusé de cette première affaire de meurtre et un ami d'enfance de Phoenix. Une fois cette première affaire résolue et le véritable coupable révélé, Phoenix aura vite rendez-vous avec son destin après un meurtre traumatisant au sein même du cabinet où il travail. Cet évènement tragique va lui faire croiser la route de Maya, sœur de Mia Fey et future assistante de Phoenix. Ce duo aussi improbable que dynamique va être impliqué au fil des dossiers dans une spirale de péripéties et d’affaires parfois périlleuses !
Le scénario commence donc tout doucement, mais va vite s'emballer et vous proposer une histoire divisée en cinq épisodes, dont les liens entre eux sont multiples. Ainsi, la construction narrative va crescendo et va vous impliquer de plus en plus au fil du jeu. Les révélations et découvertes que vous ferez sur Phoenix et ses proches pourront aisément vous tenir en haleine.
Vous ne ferez donc pas face à une succession d'affaires totalement hétérogène, mais à un ensemble véritablement très cohérent, mais pour autant très varié en termes de situations et de rebondissements.
Le jeu alterne plutôt brillamment entre des moments tragiques, de tension et d’autres plus décontractés et gentillets, rendus possibles grâce à un humour bien présent. Il est distillé dans certaines répliques, situations burlesques et noms de certains protagonistes (Eva Cozésouci, pour ne citer qu'elle!). Ces derniers constituent d'ailleurs une galerie haute en couleurs, avec une personnalité plus ou moins vertueuse.
Un scénario aux multiples rebondissements vraiment bien ficelé, alternant efficacement diverses émotions et temps de repos dans l'intrigue qui auront de quoi vous donner un certain intérêt à l'histoire.
Admirez cette ambiance, votre Honneur !
L'intrigue du soft est également servie par des graphismes fort appréciables, même s’ils n'exploitent pas au maximum les capacités de la Nintendo DS. Étant un visual novel, le jeu propose une succession de décors à images fixes avec un personnage ou plusieurs en face de vous. Diverses mimiques pourront traduire leurs émotions, même si parfois aucun personnage ne sera présent devant vous. Pour autant, les différents décors sont assez biens réalisés et sont suffisamment variés en termes de couleurs et de thèmes pour rendre l'aspect graphique assez attrayant. Les cinématiques du jeu suivent le même principe : on a une succession d'images fixes servies par différents effets visuels et bruitages.
Le rendu global s'avère toutefois attrayant et ajoute une immersion non indéniable dans l'univers du jeu. Les différents effets visuels (flashs, mouvements de caméras lors des procès, écran tremblant...) sont vraiment biens utilisés et donnent un aspect encore plus théâtral à l'intrigue, même en dehors des cut-scenes. Mais s'il n'y avait que les graphismes pour donner du relief aux trépidantes aventures de notre avocat de la défense…
Malgré le fait que le jeu ne propose pas de voix pour chacun des personnages (hormis les « Objection ! » des avocats), mais seulement des « bip » plus ou moins aigus selon le sexe supposé du protagoniste, la bande-son vient pallier aisément le mutisme assumé du soft. Divers sons et bruitages sont là pour accentuer les moments clés et importants de l'histoire. Cependant il peut aussi arriver que le jeu offre un silence prolongé pour créer une certaine atmosphère afin d’accentuer l'importance d'un moment particulier. Parfois, des musiques utilisées pour des moments sérieux sont détournées de leur intention première pour créer un certain décalage assez amusant entre une scène plus légère et la musique utilisée.
Les musiques du jeu, composées à l’origine par Masakazu Sugimori sur GBA et réarrangées par Naoto Tanaka pour la DS, sont donc vraiment très bonnes et s'adaptent parfaitement aux diverses situations du jeu. Tantôt tristes, tantôt entraînantes, tantôt rythmées, ces compositions musicales sont de grande qualité et constituent un point essentiel dans l'immersion. Certaines musiques constituent aussi le thème d'un personnage en particulier, ce qui contribue à décrire la personnalité du protagoniste, même en étant muet.
Comme quoi, on peut créer une ambiance de qualité juste avec du son !
Profession Avocat / Enquêteur
Passons maintenant au déroulement du jeu en lui-même. Comme expliqué précédemment, le jeu se divise en 5 épisodes, dont le dernier est un ajout spécifique à la version DS. On peut diviser un épisode en deux étapes, à l'exception du premier épisode qui se déroule uniquement pendant la phase procédurale devant le Tribunal.
La première étape consiste à enquêter sur l'affaire dont vous avez à traiter, même si parfois vous devez convaincre l'accusé d'assurer sa défense avant de procéder à l'enquête. Pour ce faire, vous pouvez vous déplacer dans divers lieux.
Une fois arrivé au lieu souhaité, plusieurs options s'offrent à vous. Vous pouvez examiner le lieu en lui-même grâce à votre stylet et toucher une partie du décor qui vous semble intéressante. Phoenix pourra faire une réflexion dessus, ce qui peut provoquer une petite saynète entre plusieurs personnages. Celle-ci peut aboutir à des éléments descriptifs ne vous aidant aucunement dans l'enquête, ou bien à la révélation d'une pièce à conviction ou des éléments importants. Si cette option ne mène à rien, vous pouvez présenter des pièces à conviction déjà récoltées au personnage situé devant vous (si quelqu'un se trouve devant vous, évidemment!), dans l'espoir de lui soutirer de précieuses informations ou d'avancer encore plus dans votre enquête. Si cela ne s'avère pas concluant non plus, vous pouvez discuter avec le personnage en question de thèmes ayant plus ou moins de liens avec votre enquête (ou demander à Maya comment procéder, même si la plupart du temps elle ne s'avère pas très utile!) afin de trouver des éléments décisifs pour le procès ou pour l'enquête. Enfin, si vous n'avez rien trouvé de concluant avec ces options, vous pouvez changer de lieu parmi ceux déjà visités ou alors vous diriger vers un autre lieu découvert grâce à votre enquête. Évidemment, il n'y a pas d'ordre imposé dans le choix des options et vous pouvez procéder dans l'ordre qui vous paraît le plus évident ou le plus efficace.
Une fois votre enquête réalisée, nous pouvons passer à la seconde étape du procès en lui-même. En général, l'accusation va présenter un témoin à la barre afin qu'il puisse livrer son témoignage. Mais la plupart du temps, il se trouve que ce témoignage comporte des contradictions. C'est alors à vous de repérer ces contradictions une fois le témoignage terminé avec un contre-interrogatoire. Pendant celui-ci, le témoignage est divisé en plusieurs parties et deux options s'offrent à vous. Vous pouvez « attaquer » la partie du témoignage souhaité pour tenter d'obtenir de plus amples précisions sur cette déclaration et parfois révéler un élément de contradiction, ou alors vous pouvez formuler une « Objection! » (ou l’hurler dans le micro de votre DS !) pour présenter une pièce à conviction si vous êtes certain que cette déclaration comporte une contradiction avec l'un des éléments du dossier. Mais attention avec cette dernière option : s'il s'avère qu'il n'y a en fait aucune contradiction, vous serez pénalisé et une “vie” symbolisée par un point d'exclamation vous sera retirée. Ces symboles représentent le nombre d'erreurs auxquelles vous avez le droit, cinq erreurs au total. Si tous les points d'exclamation ont été enlevés, le juge rendra son verdict et déclare votre client coupable. A vous donc d'être prudent quand vous présentez une preuve. Vous pouvez aussi faire défiler toutes les parties du témoignage pour assister aux réflexions de Phoenix et de Maya sur le témoignage, ce qui peut parfois vous aiguiller quant à la solution à adopter.
Ainsi, le jeu vous propose d'endosser le rôle d'enquêteur et d'avocat. Cette double casquette est très loin de coller à la réalité, mais le jeu serait peut-être moins intéressant sans ce cumul des rôles !
Si le gameplay est relativement linéaire et répétitif, les situations rencontrées au cours d'un épisode durant les procès cassent cette relative monotonie. Il y a même des moments où vous devez vous défaire de vos habitudes pour vous sortir d'une situation donnée. Par exemple vous aurez des moments où il sera impossible de présenter des pièces à convictions, et le mieux à faire sera d'attaquer l'intégralité du témoignage du témoin pour poursuivre le procès. Il y a également des moments où vous serez confronté à prendre une décision parmi plusieurs à une question ou une situation donnée. Et la réponse apportée peut s'avérer parfois décisive pour le déroulement du procès.
Pour autant, on peut regretter que la possibilité d'examiner les pièces à convictions plus en détail et sous différents angles ne soit proposée qu'au dernier épisode. On peut toutefois l’expliquer par son ajout pour la version DS, ces fonctionnalités étant difficiles à mettre en œuvre sur GBA.
Affaire classée
Cinq épisodes, cela peut paraître faiblard quant à la durée de vie. Certes, elle n'est pas excessivement longue et la rejouabilité est assez limitée. Refaire le jeu ne vous dévoilera pas de nouveaux éléments autres que ceux déjà connus.
Cependant, le soft propose une difficulté dont la courbe est maîtrisée, et qui saura vous faire chauffer les méninges une fois arrivé vers la fin du jeu. Il vous faudra donc réfléchir davantage au fur et à mesure de votre progression, d'autant plus que les avocats de l'accusation que vous rencontrerez à chacun des procès seront de plus en plus talentueux et vous feront de moins en moins de cadeaux. Toutefois, il n'y a rien d'insurmontable si vous prenez bien le temps de réfléchir et de reconsidérer la situation sous tous ses angles.
De plus le jeu ne s'avère pas complètement punitif, puisque parfois des indices plus ou moins directs vous seront révélés si vous bloquez à un moment. Ces indices sont toutefois bien plus présents durant les procès que pendant les enquêtes, et il faut parfois lire attentivement les déclarations de Phoenix ou d'autres personnes pour pouvoir les repérer.
La fonction de sauvegarde du jeu vous sera aussi très utile si jamais vous bloquez vraiment. Le jeu vous demandera en effet d'office de sauvegarder entre différents moments de l'épisode (souvent après l'enquête et juste avant le procès). Mais durant le procès, vous pouvez appuyer sur Start et sauvegarder votre progression à n'importe quel moment du jeu. Ainsi, il est possible de sauvegarder en plein milieu d'un contre-interrogatoire pour reconsidérer la situation, surtout si vous disposez d'un nombre limité d'erreurs possibles pour poursuivre le procès et innocenter votre client.
Conclusion : Certains pourront pester contre la relative linéarité et répétitivité du jeu, ou encore contre sa certaine naïveté à certains moments.
Il s'avère néanmoins que Phoenix Wright : Ace Attorney est un très bon jeu sur de nombreux points, notamment en ce qui concerne son intrigue haletante, son gameplay efficace et sa bande-son immersive à souhait.
La cour déclare donc ce jeu coupable d’excellence vidéoludique !
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